Circulations migratoires et changement urbain : perspectives aux Suds
Appel à communications
Colloque international
10 au 12 juin 2025 - Campus Condorcet
Ce colloque souhaite aborder la question des effets des migrations internationales sur les métropoles des Suds, en adoptant un focus spécifique, celui des mobilités et des circulations migratoires. Dans les études urbaines, les migrations internes (Da Cunha et al., 2009 ; Chavez Galindo et al., 2016) et internationales sont souvent abordées sous l’angle de l’insertion des migrant·es dans les villes d’installation. Une abondante littérature a été produite sur ce sujet, déclinée sous plusieurs thématiques : intégration, insertion, hospitalité, ethnicité, division sociale de l’espace urbain et ségrégation socio-spatiale (Battegay, 1992 ; Haumont et Authier, 1996 ; Miret, 2001 ; Fusco et al., 2015 ; Cordoba, 2016 ; Faret, 2017 ; Babels, 2018 ; Güngördü, 2018 ; Miret et Audebert, 2019).
Plus rarement, lorsque la question des effets des migrations sur le changement urbain est étudiée depuis les villes d’origine, elle est traitée à travers l’impact des transferts monétaires des émigrant·es sur la construction ou la rénovation des logements (Simon, 1985 ; Pinçon, 1999 ; Varrel, 2009 ; Lessault et al., 2011 ; Ardila, 2019 ; Perraudin, 2020 ; Jolivet, 2024). Selon Dureau et Imbert (2019), ces « recherches attribuent aux migrants le rôle d’acteurs qui s’insèrent dans la ville tout en agissant sur celle-ci […] en tant que résidents d’un quartier, investisseurs dans leur pays d’origine ou entrepreneurs immigrés ».
Or la complexité croissante des mouvements migratoires mondialisés amène ces dynamiques à se superposer : une même ville, un même quartier, peuvent être à la fois lieu de départ, d’arrivée, de transit et de retour (Herrera et Sorrensen, 2017). Dans les pays anglophones, des recherches sur les notions d’urbanisme transnational ou de translocalité mettent en exergue ce rôle de plus en plus complexe des migrant.es dans la fabrique urbaine (Smith, 2001 ; Brickell & Datta, 2016 ; Çaglar & Glick Schiller, 2018). Le développement de circulations migratoires, liées notamment au tourisme, aux études ou au commerce, remet également en cause la binarité entre villes d’origine et villes d’accueil (Cortes et Faret, 2009).
Ces constats soulèvent un certain nombre de questions qui seront au cœur de ce colloque.
S’il paraît désormais établi que les migrant·es et leur entourage sont des acteur·rices et producteur·rices de l’urbain par leurs pratiques, leurs investissements, leurs représentations, comment contribuent-ils et elles à la production des villes de leur pays d’origine ? Quelles représentations et pratiques urbaines circulent, d’un lieu à l’autre, par leur intermédiaire ? Quels sont les effets de ces migrations segmentées, croisées, ou entremêlées, sur l’espace urbain ? En quoi les dynamiques d’insertion, d’hospitalité et de division sociale des espaces urbains souvent observées dans une littérature centrée sur les villes du Nord varient-elles dans ces lieux d’intenses circulations ?
Sur le plan théorique, les recherches sur « l’habiter » et celles sur les « circulations » gagnent à être mises en dialogue. Le paradigme de l’habiter en migration vise à rassembler les différents éléments de l’expérience spatiale de familles inscrites dans un espace transnational (Ceriani-Sebregondi, 2003 ; Imbert et al. 2014 ; Niang 2017 ; Miret, 2022). Cette notion s’inscrit dans un tournant de la géographie au 21e siècle, où le terme habiter acquiert une signification plus large, articulant « pratique des lieux et signification des lieux […] associées aux représentations, valeurs, symboles, imaginaires qui ont pour référent les lieux géographiques » (Stock, 2004). « Comprendre les modes d’habiter […] suppose d’analyser comment les individus subissent, affrontent, s’adaptent et inventent leur insertion dans leur environnement » (Morel-Brochet et Ortar, 2012). Pour les migrant·es, les circulations protéiformes au sein d’un champ migratoire induisent des spécificités de l’habiter.
En outre, les pistes ouvertes par la notion d’« infrastructures d’arrivée » (Meeus et al, 2020), pour l’heure surtout nourries par des travaux menés dans les villes du Nord, enrichissent l’étude des lieux d’ancrage du transnationalisme migrant (Baby-Collin, 2014 ; Miret 2022). Ces pistes sont inspirantes dans leur proposition de saisir la « superdiversité » des migrations (Vertovec, 2007 ; Biehl, 2020). On en retient notamment la nécessité de conjuguer approches par les espaces, réflexions sur les échelles de lieux et sur les temporalités. On observe en effet dans un même lieu des migrations successives, simultanées, ou bien encore en préparation. Elles peuvent mener à des installations durables ou éphémères, qui ne laisseront pas les mêmes traces, ne produiront pas les mêmes matérialités urbaines ou relations sociales. Les temporalités de l’action publique (politiques urbaines ou migratoires) et des changements urbains influent également : par exemple, dégradation, normalisation ou valorisation d’un quartier populaire, évolution du marché immobilier, ou encore pérennisation d’infrastructures de logement conçues comme temporaires, comme les camps et campements. Pour l’Amérique Latine, l’installation récente de millions d’émigré·es vénézuélien·nes dans les villes des pays voisins illustre bien ces enjeux.
Ce colloque, issu du programme de recherche CIMODYN (ICM/Paris 1, 2022-2024), repose donc sur une double invitation : saisir les effets urbains de ces reconfigurations migratoires multiples, et le faire depuis les métropoles des Suds, observatoires privilégiés en raison de leurs transformations rapides depuis la seconde moitié du 20e siècle et de leurs liens forts avec les migrations.
Les sessions privilégieront la diversité disciplinaire et géographique et porteront sur différentes dimensions de la contribution des migrations à la production de l’urbain, y compris à travers des spatialités marquant discrètement le paysage urbain d’indices de présences diasporiques, des « traces » parfois ténues, voire invisibilisées par d’autres phénomènes (Hernández-León 2018 ; Faret et al. 2019). Les communications aborderont donc les villes du Sud, qu’elles soient lieux de départ, de « retour » ou de réinstallation, d’arrivée, de transit et/ou de circulations, en analysant les formes de changement urbain qui en découlent. Elles pourront porter, sans exhaustivité, sur :
- le rôle des revenus financiers de la migration et des remises sur la transformation physique du bâti et sur le marché immobilier ;
- les perceptions et représentations de l’espace urbain des migrants et de leurs entourages, modifiées par les expériences de migrations internationales, pouvant influencer des investissements, des pratiques de consommation ou des réajustements de trajectoires résidentielles ;
- le rôle de l’État et des acteurs formels (des ONG aux agents immobiliers) ou informels (marchands de sommeil, sous-locations, etc.) dans l’accueil des migrant·es, leur insertion, et la régulation de leurs investissements urbains ;
- les changements de pratiques spatiales auxquels peuvent contribuer les migrations, parmi d’autres facteurs ;
- les dynamiques fines de stratification et réorganisation socio-spatiale engendrées par les mouvements migratoires au niveau local, notamment les formes de la diversité et l’organisation des coprésences ;
- le quartier comme un lieu où se transmettent des « savoirs-circuler » et où le redéploiement des réseaux migratoires peut contribuer à l’émergence de nouveaux projets migratoires (Hernández-León 1999 ; Tarrius, 2001) ;
- l’échelle d’observation pertinente de ces phénomènes, en interrogeant les intérêts et les limites à travailler sur des « quartiers ».
À partir des communications proposées, 4 séances thématiques seront organisées. Une attention particulière sera portée à la réflexion méthodologique proposée par les recherches, et à la qualité empirique des études de cas.
L’événement prétend développer une importante dimension internationale, de par les thématiques abordées, les terrains mobilisés, mais aussi la composition du comité scientifique qui sera invité à discuter les tables rondes et séances de communications. Un panel international de chercheurs et chercheuses invité·es ouvrira le colloque par une table ronde de manière à mettre en perspective les travaux sur l’Amérique andine avec ceux sur des villes d’autres régions du monde (Afrique, Asie et Moyen-Orient).
Modalités de participation
Le colloque se déroulera sur le campus Condorcet situé à Aubervilliers près de Paris, du 10 au 12 juin 2025.
Dans l’objectif de favoriser les discussions, un nombre restreint de communications sera retenu.
Par ailleurs, les membres du comité scientifique se sont engagés à assister à l’ensemble de l’événement, et nous invitons les participant·es à prendre les mêmes dispositions.
La participation au colloque sera gratuite, mais sur inscription. Elle comprendra les déjeuners.
Les communications pourront avoir lieu en français, espagnol, ou anglais, mais il sera demandé à l’ensemble des participant·es de préparer un PowerPoint en anglais afin de permettre à tous d’avoir accès au contenu.
Les propositions de contribution ne devront pas dépasser 600 mots et seront accompagnées d’une courte notice biographique (5 lignes maximum). Elles devront être envoyées d’ici le 31 janvier 2025 à l’adresse suivante : urbamig2025@gmail.com.
Pour plus d’informations : https://cridup.pantheonsorbonne.fr/projets-recherche/cimodyn
Comité scientifique
Virginie BABY-COLLIN (U. Aix-Marseille, Telemme, Marseille)
Florence BOYER (IRD, URMIS, Paris)
Didem DANIS (U. Galatasaray, Istanbul)
Kamel DORAÏ (CNRS, Migrinter, Poitiers)
Carmen GOMEZ MARTIN (Flacso, Quito)
Violaine JOLIVET (U. Montréal, Montréal)
Amin MOGHADAM (Toronto Metropolitan University, CERC in Migration, Toronto)
Aurélie QUENTIN (U. Nanterre, LAVUE, Paris)
Amandine SPIRE (U. Paris-Cité, CESSMA, Paris) Aurélie VARREL (CNRS, CEIAS, Paris)
Comité d’organisation
Harold CORDOBA (U. Pedagógica de Colombia, fellow ICM, Bogota)
Françoise DUREAU (Migrinter, fellow ICM, Poitiers)
Pierre ELOY (U. Paris 1, CRIDUP, fellow ICM, Paris)
Naïk MIRET (U. Poitiers, Migrinter, Poitiers)
Anna PERRAUDIN (CNRS, CITERES, fellow ICM, Tours)
Gloria RAMIREZ BOLANOS (U. Paris 1, INED UR 12)
Célio SIERRA-PAYCHA (U.Paris 1, CRIDUP, fellow ICM, Paris)